Date : 29/11/2011
À Noël 2009, Guy Martin perdait son épouse. Elle prenait du Mediator. Aujourd'hui, le retraité de Saint-Yzans attend le procès des laboratoires Servier.
Lorsque Guy Martin, 75 ans, évoque la mémoire de son épouse Pierrette, l'émotion ne tarde pas à le gagner. Sur la table de la salle à manger, la photo de leur mariage figure en bonne place. À côté, une pile de dossiers et de nombreux articles sur le Mediator dominent.
« On a passé cinquante ans ensemble. Aujourd'hui, sans elle, ce n'est pas facile tous les jours. Les souvenirs reviennent en permanence. Et la solitude vous ronge. Je n'ai plus peur de la mort. Il me tarde seulement de la retrouver », dit-il avec une voix tremblante.
morte à noëL 2009 (extraits)
À la Noël 2009, « elle était bien, se souvient Guy Martin. Nous avons déjeuné chez ma fille ». C'est en rentrant de Saint-Vivien que Pierrette se plaint d'étouffement. Dans la nuit, elle se lève, s'installe dans un fauteuil, bien couverte. « Mais très vite, elle arrache sa couverture. "J'étouffe, se plaint-elle. Appelle le 15". » Les secours ne pourront la ranimer. [...] « C'est quand j'ai vu la première fois à la télé, la photo de la boîte de Mediator que j'ai commencé à faire le lien avec le décès de mon épouse. »
Pierrette est décédée à Noël 2009. À la maison, en présence de son époux et de sa cousine Jeannine, elle a été foudroyée à l'âge de 69 ans par un infarctus. Les médecins du Samu et les pompiers arrivés rapidement sur place n'ont rien pu faire pour la réanimer. En octobre de la même année, elle avait déjà été hospitalisée, faisant plusieurs arrêts cardiaques. Sa situation était devenue critique.
À l'hôpital Haut-Lévêque, les médecins avaient dû lui poser un stimulateur cardiaque en toute urgence. Guy se souvient qu'elle était tout le temps essoufflée, en permanence fatiguée. Un état de santé dont elle n'arrivait pas à se sortir. « Pourtant, Pierrette aimait la vie. C'était quelqu'un de joyeux », se souvient Jeannine-Amélia Borderie, sa cousine germaine, qui avait aussi été son témoin de mariage. Guy et Jeannine continuent de parler de Pierrette. « Les mêmes souvenirs reviennent en permanence, mais cela fait du bien de parler », confient-ils.
L'ancienne couturière, qui souffrait de diabète, se soignait avec de l'insuline. Elle prenait aussi du Mediator. Guy estime qu'en l'espace de onze ans sa femme a dû prendre au moins 12 000 cachets de ce médicament fabriqué par les laboratoires Servier. « C'était trois pilules par jour ». Une prescription qui, au fil des années, lui aurait été fatale. Le médicament a été retiré du marché en novembre 2009. Il serait responsable de très nombreux décès en France.
Si Guy Martin trouve encore la force d'avancer, c'est parce qu'il compte bien voir les laboratoires Servier condamnés par la justice. Sur l'affaire du Mediator, rien ne lui échappe. Il « collectionne » tout ce qu'il peut lire ou récupérer comme informations dans les médias.
Dans le dossier médical de son épouse, il relit les observations relevées par les médecins de l'époque. « Lorsque l'affaire a éclaté, je n'ai pas tardé à faire le lien avec les anomalies relevées lors des nombreux examens passés, dit-il. J'ai reconnu tous les symptômes dont elle souffrait ».
Afin d'aller au bout de son combat, celui qu'il mène avant tout pour la mémoire de son épouse, il a rejoint en janvier 2010 l'association d'Aide aux victimes de l'Isoméride et du Mediator (Avim), qui oeuvre pour l'indemnisation des victimes. Elle a été créée en 2001, bien avant que le scandale sanitaire éclate. L'association est aujourd'hui présidée par le Dr Dominique-Michel Courtois.
« Je reçois des coups de téléphone de gens qui me demandent comment faire, raconte encore Guy. Il s'agit d'autres victimes qui ont pu lire les reportages consacrés à ce qui est arrivé à Pierrette et qui connaissent le même drame que nous. Quelque part, c'est réconfortant. Je suis utile. Et j'aide ceux qui traversent ce cauchemar ».
S'il compte bien obtenir gain de cause, le retraité, qui continue de vivre seul dans sa maison de Saint-Yzans-du-Médoc, confie aussi qu'il ne fait plus confiance en la médecine. « Je n'ai rien contre les médecins, ni même contre les techniciens qui travaillent dans les laboratoires, mais les grands patrons, eux, savaient ce qu'ils vendaient. Tout cela pour de l'argent ..., estime-t-il. C'est tout un système qui est en cause. Aujourd'hui, je ne peux plus prendre un médicament. Autour de moi, je ne suis pas le seul à avoir perdu confiance. »
Privé d'une retraite paisible, qu'il comptait partager avec la compagne de toute une vie, le septuagénaire est épaulé par sa fille et ses petits enfants. En attendant le procès, il s'accorde un peu de temps pour aller à la pêche. Le seul loisir qui anime un quotidien devenu bien sombre. Dans un soupir, il sort aussi un petit cahier d'un tiroir. « Je raconte notre vie avec Pierrette ». Comme pour mieux se souvenir encore de son épouse.
Source : Sud ouest - Mediator : le douloureux combat de Guy Martin
En savoir plus : Association d'Aide aux Victimes du Médiator et de l'Isoméride
Suite au nombre considérable de demandes d'aide dés le début de l'affaire de l'Isoméride, une association dédiée aux victimes de ce médicament et à leurs familles a été créé en février 2001.
L'AVIM est une Association d'aide aux victimes de complications (cardiaque, pulmonaire, ...), suite à un traitement par le médicament MEDIATOR et le médicament ISOMERIDE, dans toutes leurs démarches pour obtenir une juste réparation de leurs préjudices.